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09/05/2025

Dans les coulisses du conclave : Comment Robert Francis Prevost est devenu Léon XIV

La fumée blanche qui s'est élevée au-dessus de la chapelle Sixtine le 8 mai 2025 à 18h07 a marqué la fin d'un conclave remarquablement bref. En seulement 24 heures et quatre tours de scrutin, les 133 cardinaux électeurs ont choisi le cardinal américain Robert Francis Prevost comme 267ème pape de l'Église catholique. Cette élection rapide cache pourtant des négociations intenses et des alliances stratégiques qui méritent d'être analysées.

Les forces en présence avant le conclave

Le parti Parolin : le favori déchu

À l'entrée du conclave, le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d'État du Vatican sous François, faisait figure de grand favori. Ce diplomate chevronné bénéficiait d'une solide expérience internationale et d'une connaissance approfondie des rouages de la Curie. Autour de lui s'était constituée une "squadra italiana" espérant ramener la papauté à un Italien.

Selon des sources proches du conclave, Parolin aurait obtenu entre 40 et 45 voix lors du premier scrutin – insuffisant pour créer une dynamique victorieuse.

Les autres factions

Le bloc progressiste, majoritairement nommé par François, représentait potentiellement le groupe le plus nombreux mais souffrait d'une absence de candidat consensuel. Les noms du cardinal philippin Luis Antonio Tagle, du cardinal brésilien Sérgio da Rocha et du cardinal italien Matteo Zuppi circulaient dans ce groupe.

Les cardinaux conservateurs, bien que minoritaires, constituaient un groupe d'influence avec des figures comme le cardinal guinéen Robert Sarah ou le cardinal hongrois Péter Erdő.

Les cardinaux d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie formaient un bloc informel mais croissant, reflétant le déplacement du centre de gravité de l'Église catholique vers l'hémisphère sud.

Robert Francis Prevost : l'émergence d'un candidat de consensus

Un profil unique

À 69 ans, Prevost présentait un profil singulier qui le rendait acceptable pour différentes factions. Américain de naissance mais ayant passé une grande partie de sa carrière au Pérou, il incarnait un pont entre le nord et le sud. Religieux augustinien, il apportait la perspective des ordres religieux dans un collège cardinalice dominé par les prélats diocésains.

Sa nomination récente (2023) comme préfet du Dicastère pour les évêques lui avait permis de se familiariser avec la Curie romaine sans être perçu comme un "curial" de carrière. Cette position stratégique lui avait également donné l'occasion de rencontrer de nombreux évêques et cardinaux du monde entier.

Les architectes de son élection

L'élection de Prevost a été facilitée par plusieurs figures clés. Le cardinal italien Giuseppe Versaldi a joué un rôle déterminant en construisant autour de Prevost un réseau de protection et de crédibilité au sein de l'épiscopat italien.

Un soutien inattendu mais crucial est venu du cardinal américain Raymond Leo Burke, figure emblématique des conservateurs. Burke aurait reconnu en Prevost "une alternative sobre et orthodoxe aux excès d'ambiguïté des années récentes". Ce soutien a contribué à présenter Prevost comme un candidat capable de transcender les clivages traditionnels.

Le réseau augustinien, bien que discret, a également apporté un soutien efficace, notamment parmi les cardinaux latino-américains.

L'élection de Prevost pourrait également avoir été influencée par des considérations économiques. Issu de l'Église américaine et disposant d'un profil international, le nouveau pape est perçu comme "un grand organisateur qui pourrait aider à remettre en ordre les finances vaticanes". Cette dimension n'est pas négligeable dans un contexte où les difficultés financières du Saint-Siège se sont accentuées ces dernières années, nécessitant une gestion plus rigoureuse et transparente des ressources. Son expérience variée entre différentes cultures et son approche pragmatique pourraient ainsi contribuer à résoudre ces défis économiques auxquels la Curie romaine doit faire face.

Dans les jours précédant le conclave, l'éminent vaticaniste italien Giovanni Maria Vian désignait déjà le cardinal Prevost comme l'outsider absolu, susceptible de devenir le favori en cas de neutralisation entre les grands « papabili ». À la fermeture des portes du conclave, Rome bruissait effectivement de son nom.

L'archevêque de New York, le cardinal Timothy Dolan, a joué un rôle décisif de faiseur de roi, mobilisant des électeurs d'Amérique du Nord et du Sud, majoritairement anglophones, ainsi que ceux liés au Commonwealth, de l'Afrique du Sud à l'Inde en passant par les îles Tonga.

La dynamique du conclave : quatre scrutins vers un consensus

Premier jour : positions initiales

Le premier scrutin a principalement servi à mesurer les forces en présence. Selon certains récits, Parolin, Tagle et Erdő seraient entrés en lice avec un soutien conséquent:

  • Pietro Parolin : environ 40-45 voix
  • Luis Antonio Tagle : environ 25 voix
  • Péter Erdő : environ 20 voix

Contrairement aux premières estimations qui lui attribuaient seulement une dizaine de voix, Prevost aurait en réalité recueilli un nombre significatif de suffrages dès ce premier tour, aux côtés d'autres candidats comme Zuppi et Aveline qui ont également obtenu quelques voix.

Cependant, selon des sources italiennes, les cardinaux Parolin et Tagle se sont rapidement neutralisés dès les premiers tours. Si Parolin disposait d'un bloc significatif de 40 à 50 voix selon les estimations, ce nombre restait insuffisant pour atteindre les 89 voix nécessaires à l'élection.

Les partisans du pape François se sont présentés divisés en plusieurs groupes, incapables de proposer une alternative cohérente. Certains analystes suggèrent que l'accord controversé conclu avec le gouvernement de Pékin aurait pu nuire aux chances de Parolin. Par ailleurs, une rumeur persistante évoque un accord secret entre le cardinal de Vicence et le cardinal philippin Luis Tagle, alliance qui n'aurait finalement pas résisté à l'épreuve des faits, permettant un report de voix vers Prevost et favorisant son élection dès le quatrième tour.

Deuxième jour : la montée en puissance

La journée du 8 mai a commencé par deux scrutins matinaux qui ont modifié l'équilibre des forces. Le deuxième scrutin aurait vu un premier mouvement significatif vers Prevost, qui serait passé à environ 25 voix.

C'est pendant la pause déjeuner à la résidence Sainte-Marthe que les discussions décisives ont eu lieu. Le cardinal Wilton Gregory a révélé que Prevost s'est engagé dans des conversations avec des membres du clergé en "petits groupes" pendant le conclave, spécifiquement durant les repas et les pauses café.

Gregory a précisé : "Ce n'était pas comme s'il s'était levé et avait fait un discours incroyablement convaincant qui avait impressionné l'assemblée". Le cardinal Robert McElroy a ajouté que ce n'était pas tant le contenu de ce que Prevost disait, mais la "manière dont il le disait" qui a trouvé un écho auprès des cardinaux.

Le scrutin décisif

Le scrutin de l'après-midi du 8 mai a finalement vu une convergence rapide vers Prevost. Face à l'impasse entre les candidats de premier plan, de nombreux cardinaux ont perçu Prevost comme une alternative viable.

Plusieurs facteurs ont accéléré ce mouvement :

  1. Le bloc latino-américain s'est largement rallié à Prevost
  2. De nombreux cardinaux italiens ont préféré soutenir Prevost plutôt que de voir élu un cardinal asiatique ou africain
  3. Les cardinaux conservateurs ont été influencés par le soutien de Burke et O'Malley
  4. Le "groupe des inclassables" s'est massivement reporté sur Prevost

Au quatrième scrutin, Prevost aurait ainsi obtenu plus de 90 voix, dépassant largement la majorité des deux tiers requise.

L'échec de Parolin : raisons d'un blocage

Le cardinal Parolin, malgré sa position de favori, n'a pas réussi à rassembler la majorité nécessaire pour plusieurs raisons :

  1. Le "syndrome du favori" - l'adage "Qui entre pape au conclave en sort cardinal" s'est une nouvelle fois vérifié
  2. La résistance des cardinaux non-européens qui percevaient Parolin comme le symbole d'une gouvernance trop centrée sur Rome
  3. L'opposition des cardinaux américains, notamment sur la question des relations avec la Chine
  4. Une perception ambivalente concernant son rapport au pontificat de François

Les alliances décisives

L'élection de Prevost a été rendue possible par plusieurs alliances stratégiques :

L'axe américano-latino-américain

Une convergence s'est établie entre cardinaux nord-américains et latino-américains, unis par le profil unique de Prevost, à la fois natif de Chicago et profondément enraciné dans la réalité péruvienne.

La médiation italienne

Certains cardinaux italiens, déçus par la stagnation de Parolin, ont orchestré un ralliement progressif vers Prevost. Cette médiation a été facilitée par les liens que Prevost avait tissés avec l'Italie durant ses études et son mandat de Prieur général des Augustiniens.

Le pont entre réformateurs et traditionalistes

Une alliance inattendue s'est nouée entre des cardinaux aux sensibilités très différentes. Des figures comme le cardinal progressiste Blase Cupich et le conservateur Raymond Burke se sont retrouvées à soutenir le même candidat, témoignant de la capacité de Prevost à apparaître comme un "pont" entre différentes visions de l'Église.

Le choix du nom : une déclaration d'intentions

Le choix par Robert Francis Prevost du nom de Léon XIV constitue une déclaration d'intentions qui révèle ses priorités.

En se référant à Léon XIII (1878-1903), Prevost établit un lien avec un pontificat marqué par l'ouverture de l'Église aux questions sociales, notamment à travers l'encyclique Rerum Novarum (1891).

Ce choix suggère que Léon XIV entend placer les questions sociales, la dignité du travail et la lutte contre les inégalités au cœur de son pontificat, tout en s'inscrivant dans la grande tradition théologique et doctrinale de l'Église.

La future équipe de Léon XIV

Dès l'annonce de son élection, les spéculations ont commencé sur les nominations clés que pourrait effectuer le nouveau pape.

La Secrétairerie d'État

Léon XIV pourrait maintenir Parolin en poste pendant une période transitoire, tout en préparant son remplacement. Le nom de Monseigneur Luis Marín de San Martín, évêque espagnol et augustinien, est fréquemment cité pour le poste de Substitut pour les Affaires générales.

Les collaborateurs clés

D'autres figures importantes pourraient inclure :

  • Monseigneur Fabio Fabene, ex-secrétaire du Dicastère pour les Évêques
  • Monseigneur Ilson de Jesus Montanari, brésilien et expert de l'Amérique latine
  • Sœur Nathalie Becquart, point d'équilibre entre synodalité et gouvernement
  • Le père Alejandro Moral Antón, prieur général des augustiniens

Un tournant dans l'histoire de l'Église ?

Le conclave qui a élu Robert Francis Prevost comme Pape Léon XIV pourrait marquer un tournant significatif dans l'histoire récente de l'Église catholique.

Avec le premier pape américain (après un polonais, un allemand et un argentin), ce conclave confirme que la papauté n'est plus l'apanage des Européens. Cette évolution reflète le déplacement progressif du centre de gravité de l'Église catholique vers les Amériques, l'Afrique et l'Asie.

Le style de leadership qui a émergé durant le conclave – axé sur l'écoute, le dialogue et la recherche de consensus – pourrait également annoncer un nouveau modèle pour l'Église dans un monde polarisé.

Enfin, l'élection de Prevost laisse ouverte la question de l'avenir des réformes initiées par François. Sa position médiane suggère une volonté de consolidation plutôt que de rupture ou d'accélération, une "Église en écoute intérieure" plutôt qu'une "Église en sortie".